Définir une finalité de traitement pour son projet IA est bien plus qu’une formalité administrative. C’est une exigence fondatrice du Règlement général sur la protection des données (RGPD).
En ce sens elle conditionne la licéité, la transparence et la pertinence de tout traitement de données personnelles.
Dans un contexte numérique marqué par le développement rapide de l’intelligence artificielle, cette exigence devient un repère essentiel, tant juridique qu’éthique.
La finalité désigne l’objectif poursuivi lorsqu’un organisme collecte et traite des données personnelles. Cette finalité doit être définie dès l’origine du traitement, de manière précise, compréhensible et légitime.
Autrement dit, il ne suffit pas de collecter des données “au cas où” : il faut justifier clairement pourquoi et dans quel cadre elles sont utilisées.
Selon la CNIL, une finalité conforme au RGPD doit répondre à trois critères : elle doit être déterminée, explicite et légitime. Elle constitue une balise juridique qui limite l’usage des données à ce qui est strictement nécessaire à l’objectif annoncé.
Définir une finalité n’est pas un simple conseil : c’est une obligation légale.
Ce principe de limitation des finalités est inscrit dans l’article 5 du RGPD. Il permet d’éviter les usages détournés des données, de garantir la transparence vis-à-vis des personnes concernées, et de sécuriser juridiquement les traitements mis en œuvre.
En pratique, la finalité guide la mise en place de toutes les autres exigences du RGPD : choix de la base légale, durée de conservation, information des personnes, mesure de sécurité, etc.
Elle est aussi un point de repère pour les autorités de contrôle en cas d’audit ou de plainte.
Domaine | Objectif du traitement | Finalité conforme |
---|---|---|
Recrutement | Collecte de CV et lettres de motivation | Évaluer la candidature à un emploi |
Relation client | Suivi des commandes et réclamations | Gérer la relation contractuelle |
Marketing | Analyse du comportement d’achat | Proposer des offres personnalisées avec consentement |
Sécurité | Surveillance vidéo dans un hall d’accueil | Assurer la sécurité des personnes et des biens |
Recherche | Analyse de données médicales | Étudier l’efficacité d’un protocole thérapeutique |
Chaque finalité doit être définie avec précision dans les documents de conformité, tels que le registre des traitements ou la politique de confidentialité.
D’abord, il faut analyser les besoins réels du traitement.
Pourquoi ces données sont-elles collectées ? Quels résultats attend-on ?
Ensuite, il convient de rédiger une description précise et compréhensible de l’objectif poursuivi. L’usage de formules vagues comme “amélioration des services” ou “traitement à des fins statistiques” est à proscrire si elles ne sont pas détaillées.
Une fois la finalité rédigée, il est nécessaire de vérifier sa compatibilité avec les missions de l’organisme et de s’assurer de son adéquation avec les bases légales disponibles. Enfin, la communication auprès des personnes concernées doit être claire, transparente et facilement accessible.
Dans les projets d’IA, la définition des finalités soulève des enjeux particuliers. Le RGPD ne s’oppose pas à l’innovation technologique, mais impose un cadre juridique strict dès la conception des projet IA.
Trois cas se présentent fréquemment :
Développement avec usage opérationnel identifié dès la phase de conception
Lorsqu’une application d’IA est développée pour répondre à un besoin opérationnel précis (comme la détection de fraudes, la reconnaissance d’images ou l’analyse de sentiments). La finalité du traitement est plus simple à encadrer. Elle doit être clairement exprimée dans les documents de conformité : registre des traitements, AIPD, documentation projet.
Cela implique de définir les données collectées, les acteurs impliqués, les objectifs poursuivis, et les limites du traitement. Une IA conçue pour analyser les transactions bancaires dans le but de détecter des comportements frauduleux. Ne pourra pas, par exemple, être utilisée ultérieurement pour du scoring marketing sans réévaluation des finalités.
Développement de systèmes d’IA à usage général
Certaines IA, notamment dans le domaine des modèles de langage, de la vision artificielle ou des systèmes prédictifs. Sont développées sans cas d’usage unique au moment de leur conception.
Cela pose un défi particulier : comment définir une finalité sans connaître encore toutes les applications futures ?
La CNIL recommande alors d’adopter une approche modulaire et progressive. Il faut définir une finalité générique pour le développement initial (ex. : entraîner un modèle d’apprentissage automatique dans un but de recherche appliquée). Puis redéfinir des finalités spécifiques à chaque mise en production ou déploiement opérationnel. Cette logique impose une gouvernance stricte, avec une documentation continue et des réévaluations régulières.
Développement à des fins de recherche scientifique
Lorsque l’IA est développée dans le cadre d’un projet de recherche académique ou industriel, la finalité doit être explicitement liée aux objectifs scientifiques poursuivis. Il ne suffit pas d’invoquer un intérêt général vague : les hypothèses, la méthodologie, les jeux de données et les résultats attendus doivent être clairement décrits.
Même dans ce contexte, les obligations du RGPD restent pleinement applicables. Information des personnes, limitation de l’accès aux données, anonymisation ou pseudonymisation, justification de la base légale. Puis, si nécessaire, réalisation d’une analyse d’impact (AIPD).
La transparence reste un principe central, même lorsqu’il s’agit de recherche fondamentale.
Dans chacun de ces cas, la définition précise de la finalité est essentielle pour assurer la conformité aux exigences réglementaires et éthiques en matière de protection des données personnelles.
Élément du projet | Contenu | Finalité attendue | Enjeux spécifiques | Lien avec une exigence RGPD |
---|---|---|---|---|
Type d’application IA | (ex. : moteur de recommandation, détection d’anomalies, chatbot) | Définir clairement l’objectif fonctionnel de l’IA | Risque de réutilisation pour des objectifs non prévus | Article 5 : limitation des finalités |
Catégories de données collectées | (ex. : données textuelles, images, données comportementales, géolocalisation) | Collecter uniquement les données strictement nécessaires | Minimiser les données sensibles ou non pertinentes | Article 5(1)(c) : minimisation des données |
Base légale envisagée | (ex. : consentement, intérêt légitime, exécution d’un contrat) | Justifier juridiquement le traitement selon la finalité | Choix de base légale adaptée à la nature des données | Article 6 : licéité du traitement |
Traitement automatisé ou non | (ex. : scoring automatisé, filtrage, annotation humaine) | Préciser si le traitement est entièrement ou partiellement automatisé | Évaluer si les décisions ont un effet juridique ou significatif | Article 22 : décision automatisée |
Destinataires ou accès aux données | (ex. : équipe IA, partenaires, sous-traitants) | Définir qui a accès aux données et pourquoi | Risque de diffusion non maîtrisée | Article 13 & 28 : information et encadrement des sous-traitants |
Durée de conservation | (ex. : 3 mois, 1 an, selon usage) | Limiter la conservation au strict nécessaire | Risque de conservation excessive ou floue | Article 5(1)(e) : limitation de conservation |
Mesures de protection mises en place | (ex. : chiffrement, anonymisation, accès restreint) | Garantir la confidentialité, l’intégrité et la sécurité des données | Protection contre les fuites ou les accès non autorisés | Article 32 : sécurité du traitement |
Information des utilisateurs | (ex. : politique de confidentialité, mention dans l’app) | Informer de manière claire sur l’usage des données et les droits | Enjeu de transparence et de confiance | Articles 12 à 14 : obligation d’information |
Les conséquences d’une mauvaise définition de la finalité sont multiples. Elles incluent :
En résumé, une finalité bien définie est une garantie de transparence, d’efficacité et de sécurité juridique.
Définir une finalité précise et conforme n’est pas seulement une obligation réglementaire, c’est un acte fondateur de toute stratégie de gouvernance des données. Elle permet de cadrer les traitements, de renforcer la confiance des usagers et de sécuriser juridiquement les projets.
Dans le contexte actuel de développement de l’intelligence artificielle, cette exigence est plus que jamais d’actualité.
Non, une seule finalité générique ne suffit pas si l’IA est utilisée dans plusieurs contextes. Chaque usage impliquant un traitement de données personnelles doit être encadré par une finalité propre, en lien avec les objectifs poursuivis. Cela garantit la conformité avec le principe de limitation des finalités prévu par le RGPD.
Oui. Si l’usage du système IA change ou si les données sont réutilisées pour un autre objectif, la finalité doit être réévaluée. En cas d’incompatibilité avec la finalité initiale, une nouvelle base légale peut être requise, ainsi qu’une information actualisée des personnes concernées.
Non. Le RGPD impose que la finalité soit définie avant toute collecte. L’utilisation ultérieure de données collectées sans objectif clair ou pour une finalité non compatible expose l’organisme à des sanctions. Une régularisation est possible uniquement dans certains cas, avec l’accord des personnes concernées ou une nouvelle base légale.